ActivMag – mars 19 – Illustration : Sophie Caquineau
par Nolwenn Huyart – Illustration Sophie Caquineau – ActivMag 19

« J’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé. » Cela devrait être aussi simple que cette pensée de Voltaire et pourtant la plainte, le ressassement, la « râle attitude » remportent un franc succès dans notre société d’humains jamais contents.

Pourquoi se plaint-on ?

En déchargeant nos émotions, on se sent mieux, c’est incontestable. Se plaindre, c’est légitimer notre souffrance et, souvent, justifier que l’autre, la vie, le monde sont les très grandes causes de notre situation. Incriminer quelque chose ou quelqu’un en dehors de soi est une façon de redorer son blason et de s’incarner victime. Et rien de tel qu’une bonne vieille coquille d’œuf sur la tête et le rabâchage d’un « c’est vraiment trop injuste » pour attirer l’attention et la compassion. François Roustang voit dans l’ego « une baudruche gonflée d’orgueil ».* Se plaindre sans cesse est un frein à notre évolution. En rendant les autres responsables, on oblitère que parfois il aurait mieux valu dire non que de se retrouver à garder le chien de sa voisine un long week-end de Pâques. Arrêter de se plaindre c’est commencer à grandir en se ressaisissant de son histoire personnelle.

Le cercle vicieux du pessimisme

Tout-de-même, comment ne pas être tragiquement touché par une femme racontant ses multiples échecs amoureux à cause des abus qu’elle a subis dans l’enfance ? mais comment aussi se donner la chance de vivre au présent, avec des projets d’avenir, quand on est enfermé dans le passé ? plus nous souffrons, nous nous plaignons. Et plus nous nous plaignons, plus nous souffrons. Des études américaines ont démontré que râler était aussi mauvais pour la santé psychique que physique, en tant que générateur de stress (altération immunitaire, risques cardiovasculaires, diabète, etc.) Le psychiatre Steven Parton explique que plus une pensée est utilisée, plus on y pensera facilement et régulièrement. « Le cerveau garde en mémoire les connexions que vous avez créées lors de vos pensées précédentes et simplifie leur trajet. » Ainsi, les boucles de pensées négatives se perpétuent, comme un cercle vicieux. « Cette situation arrive quand les synapses qui représentent le négatif sont plus proches et mieux connectées entre elles que celles qui traitent du positif. Naturellement, la pensée qui gagne est celle qui a le moins de distance à parcourir, et donc ici, c’est la négative » commente le Dr Parton. Bref, le pessimisme s’entraîne … .

Agissez !

Les pensées négatives influent sur notre humeur, comme les gens. Imaginez-vous entouré, lors d’une soirée, de personnes critiques, moqueuses, avec une certaine appétence pour les cancans. A moins de prendre ses jambes à son cou, contraint d’être à proximité de « jamais contents » peut influer sur notre personnalité. A grincheux ½, on devient alors grincheux à temps plein. Si bien s’entourer est essentiel, une reconnexion à soi-même, avec une autre vue, l’est tout autant : « Il y a quelqu’un en moi qui va bien et auquel je n’accorde pas une attention suffisante » explique François Roustang. Au lieu de se recroqueviller et se lamenter, il est recommandé de faire face et d’agir. Il faudra penser à changer de travail si votre chef est pervers ou à s’arrêter quelque temps pour récupérer.

Biblio

* La fin de la plainte de François Roustang – Ed. Odile Jacob

par Nolwenn Huyart – Illustration Sophie Caquineau – ActivMag 17

par Nolwenn Huyart – Illustration Sophie Caquineau – ActivMag 2020
ActivMag
Par Nolwenn Huyart – ActivMag – Illustration Sophie Caquineau

VENI VIDI VICI*

ENTRE LA VIE ET LA MORT, NOTRE CORPS BALANCE. SOUMIS AUX STATISTIQUES DE MALADES ET DE DÉCÈS DU CORONAVIRUS, LA PEUR ENFLE. MAIS ENCORE PLUS SOURNOIS, LE DÉSIR DE DÉTRUIRE MET NOTRE HUMANITÉ À MAL.

J’ai vu mon voisin ricaner quand je me suis poussée pour lui laisser la place sur le palier : “vous avez peur que je vous contamine ?”. J’ai vu aussi une petite dame apporter des courses à un homme âgé de sa résidence. J’ai entendu cette femme hurler à la fenêtre, en bas de chez moi, que je ne devais pas sortir avec mon “p….. de chien”. J’ai lu aussi les noms de ceux qui se sont proposés, dans ma montée d’escalier, de venir en aide si on en avait besoin. J’ai vu des gens pousser, courir dans les rayons du supermarché pour faire leur stock, j’ai entendu aussi la prise de conscience de certains sur leur gâchis alimentaire. J’ai vu ce joggeur me frôler sur le trottoir et cracher à moins d’1 mètre. J’ai reçu aussi le message de mon médecin me demandant si j’allais bien. Et à l’heure où j’écris ces lignes, je ne suis pas prête d’avoir tout vu…

COMMENT BIEN VAINCRE ?

En temps ordinaire, chez l’individu «normal», nos pulsions -Eros (pulsion d’auto-conservation) et Thanatos (pulsion de mort)- s’unissent pour produire un mouvement vers la création. En temps extra-ordinaire, d’autant plus chez l’individu ayant une histoire personnelle cabossée, Eros et Thanatos se livrent un combat sans merci. Nous possédons en nous-mêmes cette envie de tuer au même titre que celle de créer. Création et destruction s’entretiennent. Ces temps de coronavirus sont ceux qui nous confrontent collectivement à notre fin. Jusqu’à maintenant, nous n’y croyions pas vraiment. La mort, c’était pour les autres. Freud disait d’ailleurs que «dans l’inconscient, chacun est persuadé de son immortalité»**. Mais là, à part quelques irréductibles qui se jugent invulnérables, la plus grande majorité d’entre nous est arrachée de force à sa zone de confort, à son déni, pour conscientiser que la vie ne va pas durer… toute la vie. Que la mort rôde. Et comme elle a revêtu une forme extrêmement petite, qu’elle ne se voit pas, nous la supposons chez l’autre qui deviendra alors l’ennemi à abattre. Le bien et le mal cohabitent dans tout être humain, le meilleur est caché dans le pire et… vice-versa. Si nous pouvons gagner des points en bonté -c’est le moment où jamais !- en se rappelant que la bienveillance et la compassion s’entraînent, nous avons aussi à nous motiver à être bons. C’est un choix, mais celui-là ne s’entraîne pas, la décision se prend ou ne se prend pas. La menace du réveil de la «bête humaine» et de son coéquipier «le repli sur soi» serait encore plus pandémique que le Covid-19.
Alors, va pour l’option d’être bons. C’est celle qui peut gagner toutes les batailles

* Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu.
** Biblio : «Essais de Psychanalyse», Sigmund Freud – Ed. Payot

Par Nolwenn Huyart – ActivMag – Illustration Sophie Caquineau

LE DILEMME DE WENDY

WENDY NE VA PAS BIEN. PENDANT QUE SON PETER PAN RÊVASSE À SES EXPLOITS FUTURS, REPLIÉ DANS UN MONDE IMAGINAIRE ET IMMATURE, WENDY PREND LES DÉCISIONS, S’OCCUPE DE TOUT ET DE TOUS. QUITTE À S’OUBLIER ELLE-MÊME.

Concept de la vague « psycho-pop » américaine des années 80, le syndrome de Wendy, inventé par le psychanalyste Dan Kiley, fait référence à la petite héroïne du conte de Barrie qui passe son temps à nettoyer la maison et à s’occuper de ses frères et des « enfants perdus ». Si ce syndrome, qui concerne les femmes, ne figure pas en tant que psychopathologie au DSM V*, il est recommandé de consulter un professionnel afin de trouver des moyens de ne pas rester bloquée dans son fonctionnement.

LE TERRIFIANT REJET

L’aînée de la fratrie, Wendy donne tout aux autres. Agissant inconsciemment comme une mère, elle a le besoin irrépressible de satisfaire les autres, jusqu’à l’abnégation d’elle-même, même si elle affirme y trouver son équilibre. Dans la vraie vie, comme dans le conte, Wendy est quasi sacrificielle. Elle gère toutes les tâches ménagères, pourvoie aux besoins et désirs des enfants, ainsi que de ceux de son compagnon, qu’elle choisira un peu paumé, suffisamment enfant et fantasque, pour qu’elle puisse y trouver sa place. Wendy risque alors fortement de rencontrer un Peter Pan, qui n’assume aucune responsabilité et se laisse dorloter. Aucun souci, Wendy se dit capable d’assumer. Parce que le carburant de sa souffrance est principalement la peur. Celle d’être rejetée ou abandonnée est si forte chez Wendy qu’elle est prête à endosser des responsabilités qui ne sont pas les siennes et à se conformer aux désirs des autres. Les causes de ce syndrome ne se limitent pas à la peur du rejet. Elles peuvent s’inscrire aussi dans un mode éducatif et culturel, renforçant le rôle de la femme dans ses responsabilités familiales. Wendy peut également souffrir d’une faible estime d’elle-même, couplée à un grand besoin de sécurité, la rendant dépendante de l’amour des autres, jusqu’à en être esclave.

TOI + MOI

Rendre conscient son fonctionnement en le considérant comme un problème est, bien entendu, un point de départ crucial. Pour la suite, il est recommandé de demander de l’aide à un psy, ce mécanisme complexe révélant aussi souvent un jeu pervers de soumission-victimisation- culpabilisation dont il est difficile de se sortir seule. La première piste à explorer est l’apprentissage du « non » et la définition de ses limites. En déléguant ses tâches, va se confronter à sa peur du rejet, se rendant compte qu’elle est irrationnelle et sans fondement. Mais la question la plus profonde qui se pose à Wendy est : « qui suis-je ? ». Vivant depuis longtemps par procuration, elle a caché, ignoré, abandonné en elle la véritable Wendy et ne sait plus par quel chemin la retrouver. Penser à soi n’est ni égoïste, ni égocentrique, il n’y a pas de dilemme entre le choix de soi ou le choix des autres. Wendy sera toujours Wendy, mais avec une compétence supplémentaire : pouvoir fixer des limites appropriées au respect de soi.

Biblio : * DSM V : 5ème version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
« Le syndrome de Peter Pan » de Dan Kiley-Ed. Poche

MUE PAR LE MEILLEUR COMME PAR LE PIRE, LA COLÈRE, SI ELLE NOUS PERMET DE DÉFENDRE NOTRE PEAU, CAUSE AUSSI DES SOUFFRANCES SUPPLÉMENTAIRES À SOI ET AUTOUR DE SOI.

Dans une société prônant la rapidité, le succès sans trop d’effort, la satisfaction immédiate et refoulant toute condition de souffrance, aimer devient tributaire de notre besoin impérieux d’efficacité. Si l’autre déçoit ou que l’on ne se sent plus vibrer comme aux premiers jours, on se quitte.

AUX ETATS-UNIS, ON LES APPELLE LES HSP, HYGHLY SENSITIV PEOPLE. C’EST DEVENU LE SUJET À LA MODE DES PSYS…